Extrait de la Revue française de comptabilité – Mars 2019
La conférence annuelle 2018 de l’AICPA sur les développements récents à la SEC et au PCAOB s’est tenue en décembre dernier à Washington DC. Cette conférence est l’une des plus prisées par les professionnels du chiffre aux Etats-Unis. Elle est toujours l’occasion pour les régulateurs et les normalisateurs majeurs – SEC, PCAOB, FASB et IASB – les auditeurs, et les membres des comités d’audit et d’associations d’investisseurs de faire le point sur les sujets brulants de comptabilité et d’audit.
Le thème majeur de la conférence portait sur la transparence et la collaboration entre les parties prenantes dans le processus du reporting financier. Nous nous concentrerons sur les thématiques liées à l’audit.
UNE PRÉOCCUPATION MAJEURE POUR LA SEC : LE CONTRÔLE INTERNE DE L’INFORMATION FINANCIÈRE
Ce sujet a été longuement discuté durant la conférence.
L’efficacité du contrôle interne permet à la fois de prévenir et de détecter de potentielles anomalies significatives dans les états financiers et de faciliter le dialogue entre la direction, le comité d’audit et les auditeurs externes.
Selon les professionnels de la SEC, l’évaluation du contrôle interne devrait être prioritaire cette année en raison des risques élevés d’anomalies significatives dans les états financiers due à l’adoption des nouvelles normes comptables (reconnaissance du chiffre d’affaires, comptabilisation des loyers, etc). Lors de l’évaluation du contrôle interne, la direction doit se concentrer sur deux aspects :
• le fonctionnement des contrôles tels qu’ils ont été conçus ;
• et le niveau d’éléments probants disponibles pour évaluer l’efficacité des contrôles (recours au jugement professionnel).
Plus les risques d’anomalies significatives augmentent, plus les éléments probants pertinents sont généralement nécessaires. La direction doit aussi effectuer une évaluation fine des causes fondamentales des anomalies significatives ce qui pourrait l’aider à déterminer s’il est possible que d’autres domaines des états financiers soient affectés.
En ce qui concerne la communication des anomalies significatives identifiées dans les états financiers, la direction doit s’attacher à fournir des informations pertinentes et utiles à l’utilisateur de ces états financiers, y compris la cause des déficiences, ainsi que le calendrier et les détails du plan de remédiation.
LES PRIORITÉS ET L’ACTUALITÉ NORMATIVE DU PCAOB
Les axes prioritaires
Le nouveau board du PCAOB (2017-2018) a pour objectif de modifier de fond en comble les programmes et les pratiques du PCAOB après 15 années d’existence. Le plan stratégique
2018-2022 du PCAOB récemment approuvé, met l’accent sur quatre grandes priorités :
• amélioration continue de la performance des services d’audit (combinaison de prévention, détection, dissuasion et remédiation) ;
• introduction des innovations technologiques (analyses des données, robotique, intelligence artificielle et blockchain) dans les processus d’inspections et de normalisation ;
• amélioration de la communication avec toutes les parties prenantes au process du reporting financier (transparence et accessibilité) ;
• optimisation des valeurs et de la culture au sein du PCAOB.
Activité normative
La normalisation est l’une des quatre responsabilités fondamentales du PCAOB telles que définies par la loi Sarbanes-Oxley de 2002 à savoir : enregistrement des cabinets, normalisation, inspections des cabinets et enquêtes et sanctions. Pour ce faire, le PCAOB s’attache à évaluer et à affiner régulièrement ses référentiels normatifs afin de s’assurer de son efficacité. Le PCAOB envisage aussi d’utiliser des nouvelles technologies (par exemple, analyse de données, intelligence artificielle, robotique et blockchain) dans son processus normatif.
Nouvelle norme AS 3101 sur le modèle du rapport de l’auditeur
Cette norme AS 3101, adoptée en juin 2017, a fait l’objet de beaucoup de discussions lors de la conférence AICPA. Cette norme oblige les auditeurs à fournir de nouvelles informations sur l’audit et à rendre leurs rapports plus informatifs et plus pertinents pour les investisseurs et les autres utilisateurs des états financiers. Les principales modifications au rapport d’audit sont les suivantes :
• communication des points critiques d’audit. Ce sont les points communiqués ou devant être communiqués au comité d’audit et qui se rapportent à des comptes ou à des informations significatives pour les états financiers ; et qui impliquent un jugement particulièrement difficile, subjectif ou complexe des auditeurs ;
• clarification des rôles et des responsabilités des auditeurs lors des missions ;
• informations supplémentaires sur les missions (durée des mandats, identification des associés-signataires et des autres cabinets ayant participé aux missions, niveaux de participation, etc.).
Il est primordial que le trio direction, comité d’audit et auditeurs externes communiquent de manière étroite sur les points critiques d’audit et que la direction s’appesantisse sur les disclosures relatives aux points identifiés comme critiques dans ses états financiers. Le PCAOB et la SEC se sont engagés tous les deux à contribuer au succès du déploiement de cette nouvelle norme (monitoring des programmes pilotes et revue post implémentation). Les deux régulateurs s’attendent aussi à ce que presque chaque nouveau rapport d’audit comporte au moins une section avérée sur les points critiques d’audit.
Ces points critiques d’audit ne doivent pas être standardisés. En d’autres termes, les points critiques ne sont pas recyclables à tous les audits. Ce ne sont pas « des clés passepartout
». Ils doivent plutôt transmettre des informations spécifiques sur chaque mission d’audit de l’émetteur. Les dispositions de la norme relatives aux points critiques d’audit prendront effet pour les audits des états financiers des exercices se terminant le 30 juin 2019, pour les large accelerated filers ; et pour les exercices se terminant après le 15 décembre 2020, pour toutes les autres sociétés auxquelles s’appliquent AS 3101.
Nouvelle norme AS 2501 sur l’audit des estimations comptables
Cette norme sur l’audit des estimations comptables couplée aux modifications de la norme sur l’utilisation par l’auditeur des travaux de spécialistes a été finalement adoptée par le PCAOB le 20 décembre 2018, après la conférence AICPA de 2018.
La norme AS 2501 oblige les auditeurs à se concentrer sur les estimations comptables présentant les risques les plus élevés d’anomalies significatives et à accorder une plus grande attention à la réduction des biais de la direction dans les estimations comptables (recours au scepticisme professionnel).
Sous réserve de l’approbation de la SEC, la nouvelle norme d’audit des estimations comptables et les modifications relatives à l’utilisation des travaux de spécialistes, entreront en vigueur pour les audits d’états financiers des exercices clos le 15 décembre 2020. La dernière norme relative à la supervision des auditeurs par d’autres cabinets d’audit pourrait voir le jour au courant du troisième trimestre de 2019.
Contrôle des cabinets
Inspections des cabinets
Le nouvel état-major du PCAOB compte mettre en place dans les mois à venir de nouvelles approches dans les domaines d’inspections : sélection des missions, procédures de conduite des inspections, méthodes de communication des résultats d’inspections (simplicité, rapidité et pertinence). L’accent devrait être mis davantage sur les inspections des systèmes de contrôle qualité des cabinets, en privilégiant le dialogue avec les présidents des comités d’audit des entités ciblées et en créant une équipe dédiée d’inspecteurs chargée d’exécuter des procédures d’inspection dans des domaines spécifiques de certains cabinets d’audit (inspections thématiques).
Aujourd’hui, les comités d’audit cherchent aussi à mieux comprendre comment les cabinets d’audit améliorent leurs systèmes de contrôle qualité afin de remédier aux défaillances identifiées par le PCAOB. Ce dernier s’est engagé à échanger de manière continue avec tous les présidents des comités d’audit. Le PCAOB a aussi rendu public les zones récurrentes de défaillances des inspections de 2018 qui sont : les estimations comptables, la comptabilisation des produits, le contrôle interne de l’information financière, la provision pour pertes sur prêts et les risques d’anomalies significatives.
Pour les inspections de 2019, les potentiels points d’attention concernent les sujets suivants : les risques de cybersécurité, les logiciels d’audit, y compris l’intelligence artificielle, et les
actifs numériques tels que les crypto-monnaies, les ICOs, et les utilisations de la blockchain. Pour les actifs numériques, l’idée principale pour les inspecteurs est de comprendre les décisions d’acceptation et de rétention des clients, la gestion des ressources, les procédures de planification et la conformité avec les règles d’indépendance. Les inspecteurs comptent aussi se pencher sur la manière dont les systèmes de contrôle qualité des cabinets favorisent une culture de la qualité de l’audit.
Enquêtes et sanctions
Le PCAOB s’est aussi engagé comme par le passé à faire respecter ses règles et ses normes, ainsi que les lois fédérales sur les valeurs mobilières. Les enquêtes et les sanctions sont des outils de dernier recours qui permettent d’améliorer la qualité de l’audit. Le PCAOB envisage également de réexaminer son processus d’identification, d’enquête et de règlement des affaires judiciaires et d’accroître son utilisation des analyses de données et des nouvelles technologies.
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Chaque année, les professionnels du chiffre s’appuient sur la conférence de l’AICPA pour obtenir des informations approfondies et pratiques dans les domaines de la comptabilité et de l’audit. Cette conférence facilite les interactions entre participants, régulateurs et normalisateurs et permet de partager les connaissances et les bonnes pratiques professionnelles. En ce qui concerne spécifiquement les avancées dans les domaines de l’audit pour 2018 et les perspectives pour 2019, on retiendra que :
• le PCAOB est à une période charnière de son histoire où il doit se réinventer avec en ligne de mire la rénovation de ses procédures ;
• les technologies émergentes (intelligence artificielle, blockchain, robotique, big data, etc.) vont changer fondamentalement les procédures d’audit et la qualité de l’audit ;
• toutes les parties prenantes au processus d’audit sont encouragées à analyser les impacts de ces nouvelles technologies et à en comprendre leurs risques et leurs limites.
Publié avec l’aimable autorisation de la Revue Française de Comptabilité.